Le patronyme de Garfield résonne d’une manière forcément particulière pour qui s’intéresse un tant soit peu aux jeux de société en général, et aux jeux de cartes en particulier. C’est vers 1995 que j’ai « croisé » la route de ce monsieur lorsque je me suis mis à jouer à Magic The Gathering de manière frénétique et compulsive. Mais, étudiant à l’époque, je ne pouvais suivre financièrement (l’achat fréquent de boosters (paquets de cartes additionnels) étant une obligation pour réussir à choper les cartes rares, nécessaires à l’élaboration de decks (jeux terminés) un tant soit peu compétitifs dès qu’on voulait essayer de pratiquer autre chose que les parties entre amis).
Cependant, Richard Garfield avait imaginé un concept de jeu totalement révolutionnaire : une interaction ultra-complexe entre les centaines (milliers) de cartes existantes, permettant la construction quasi infinie de jeux tous plus différents les uns que les autres. Il avait créé le principe du Deckbuilding.
Aujourd’hui – presque vingt ans plus tard –, voilà que le Sieur Garfield revient hanter mon quotidien.
Cela fait plusieurs mois que je suivais l’avancée de la traduction d’une autre de ses créations, la version remise à jour de son second jeu, connu sous le nom d’Androïd : Netrunner.
Encore une fois, c’est un jeu de cartes. Mais, contrairement à son illustre aîné Magic, Netrunner ne nécessite pas un investissement aussi lourd. Disparue, la notion de rareté des cartes. Ici, elles sont disponibles de la même façon pour tout le monde. Plus d’impératifs, donc, à acheter quantité de paquets jusqu’à tomber sur LA carte qui va permettre de rendre son jeu imbattable. Le challenge se trouve ailleurs.
Le postulat de base nous emmène dans un futur (pas si lointain que ça ?) dans lequel notre univers a basculé dans un torrent informatique (qui a dit Matrix ou Neuromancien de William Gibson ?) qui gouverne tout. Dans cette dystopie où le soleil n’a plus sa place, seuls comptent la puissance des ordinateurs, le débit des connexions internet, le pouvoir, l’argent. Le réseau est devenu le centre de toute chose. Tout passe à travers cet énorme cyberespace. Les marchés s’y font et s’y défont, les guerres s’y décident, notre évolution y est programmée, l’argent y coule à flot, faisant et détruisant des empires (dépassant les frontières de notre planète, la colonisation de la galaxie étant un fait avéré) d’un simple clic. Le citoyen lambda est juste un spectateur passif dans cet univers peuplé de 0 et de 1. Seuls deux « camps » influent sur notre devenir.
Les Corporations (abrégé Corpos) sont des multinationales tentaculaires qui se partagent tout ce qui génère des profits. La publicité, les biens ce consommation, les médias, notre façon de percevoir les choses, notre éducation, notre santé. Tout. Nous ne sommes plus libres de rien, elles décident de tout. Sans contre-pouvoir.
Ou presque.
Parce que, comme dans tout système totalitaire, il y a des rebelles. Ici, ils se sont donné un nom : Les Runners. Alors, bien évidemment, comme il semblait trop facile de se rallier à une seule et même cause, ces surdoués de l’informatique, ces pirates extrêmes dont le corps et le cerveau sont bardés de puces les reliant directement au réseau (les souris et claviers sont devenus depuis longtemps obsolètes) se sont scindés en trois groupuscules séparés. Mais peu importe, leur but reste le même : contrer les Corpos et leurs projets pharaoniques dont le seul objectif est leur enrichissement, au détriment de tout le reste. Certains se voient comme des justiciers, des Robin des Bois cybernétiques, volant aux riches pour redistribuer aux pauvres. D’autres y voient plus leur enrichissement personnel, tout en affaiblissant ces conglomérats gigantesques. Peu importe les motivations, la finalité reste la même : déstabiliser les Corpos.
Cet univers immersif est une des richesses du jeu. Tout comme son prédécesseur Magic, qui mettait le joueur dans la peau d’un magicien invoquant des créatures et des sortilèges tous plus puissants les uns que les autres, NetRunner met les joueurs à la place d’avatars tout aussi jouissifs à incarner, quel que soit le côté que l’on choisisses. Qui n’a jamais rêvé d’être à la tête d’une multinationale générant des milliards de profits ? Ou qui n’a jamais souhaiter hacker des sites internet jugés partiaux ? J’attends le jet de pierre de pied ferme .
Mais les similitudes entre les deux jeux de Garfield s’arrêtent ici.
Là où Magic propose un affrontement totalement symétrique (les joueurs disposent – en théorie – des mêmes cartes pour construire leur jeu et la partie se déroule sur le même schéma pour les deux protagonistes), ici, c’est tout l’inverse. Les cartes sont fixes (selon le camp que le joueur choisit) mais, et c’est là l’énorme intérêt du jeu, c’est que les joueurs ont des cartes radicalement différentes pour bâtir leur jeu. Et ça influe sur tout le reste. Une partie Runner n’aura rien à voir avec une partie Corpo. Pis (ou mieux !) encore, le jeu prendra une orientation propre selon la Corpo que l’on incarnera (4 différentes), ou le clan de Runners (3 factions) avec lequel on décidera d’attaquer la multinationale adverse.
Ce n’est donc pas une, mais sept façons de jouer que propose Netrunner. Ne vous avais-je pas dit que Richard Garfield était un génie ?
J’aborderai de manière un peu plus précise divers de ces éléments dans l’article suivant, à travers un détail du contenu de la boîte de base et de ses très nombreuses possibilités.
Pour l’heure, il me faut vous laisser, j’ai des Brise Glace à améliorer…